Non mais je vous le demande, en toute naïveté,
s'il vous plait, dites-moi, répondez,
c'est quoi travailler?
Parce que,
depuis ma plus tendre enfance,
il me semble y avoir beaucoup goûté,
au travail, à la chose bien faite,
à la satisfaction d'une tâche
honnête.
Parce que,
depuis ma plus tendre enfance,
dois-je ici me le rappeler,
je n'ai pu m'empêcher
- à mes risques et périls -
de me hisser, d'aller vers plus de précision, plus d'acuité.
Quitte à en devenir bête parfois, je me comprends, je le sais.
Bien sûr avec le temps, avec les années,
la vie d'adulte, et l'obligation de gagner
pour subsister,
j'ai parfois dû laisser de côté,
cette promesse en moi que je désirais cultiver.
Oui,
souvent,
il m'a fallu perdre mon temps.
Mais je le faisais avec raison!
Et savais que c'était une façon
aussi
d'apprendre les choses de la vie.
Mais, en contrepartie,
avec la fatigue, les courtes nuits,
de celles desquelles on s'accommode lorsqu'un seul "travail" ne suffit,
bref,
avec la fatigue, les courtes nuit,
voilà que ma promesse
se dorait ici et là de paresse.
Et pourtant, il me semblait, je vous l'assure,
ne pas l'abandonner en simple ordure,
ma promesse d'enfance,
toujours désarçonnait mes désespérances.
Lorsque la vie morne,
celle qui vous assomme,
me rendait grise et moins bonne,
bonne d'esprit,
vous l'aurez compris,
je me regorgeais du
travail
d'artistes
merveilleux,
de musique, d'images, de mots,
et je repartais à l'assaut.
Non pas sur le marché,
là où foisonnent les employés.
Là,
j'y allais pour un peu de blé amasser,
mais en rien être salarié me semblait rimer
avec l'idée de travailler.
Non.
Le travail, me semble-t-il,
était quelque chose de moins grossier, de moins facile.
Je me rappelle cette fois,
c'était un soir d'été, je crois,
où, après avoir accompagné un être cher
à un somptueux concert,
et je me rappelle cette fois,
où je me suis dis,
cet être là, jouant,
il ressemble à ma promesse,
ma promesse d'enfant.
La délicatesse et le combat emmêlés,
voilà ce que je ressentais en le voyant pianoter.
Est-ce que
travailler
pour du vrai,
là où l'on se grandit et jamais ne se complait,
est-ce que
le travail,
ce serait cela?
Oui, j'en ai vu,
me dis-je,
j'en ai vu,
des êtres dont l'ardeur
n'était pas qu'un mot sans saveur.
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