Certaines personnes savent ignorer la laideur. Ne pas s’en offusquer. Elles y passent, et jamais devant leur yeux ne sentent une offense. Elles poursuivent leur chemin, tranquillement, sans qu’en eux explosent une effusion de perceptions et autres pensées mal placées: dégoût, jugement, écoeurement.
Arpenter les quartiers, huppés ou mal fréquentés. De rue en rue, en capter la tonalité, ne jamais s’y sentir chez soi. Là: trop froid. Ici : trop sale et encombré. N’aimer que les grands horizons, les fleurs, la mer, tout ce qui sent bon. Et le charme des ruelles, des places, des platanes, des villages encore préservés qu’on ne pensait que dans les magazines pouvoir rencontrer.
Ressentir l’urgence de la fuite. Se dérober des visages et des regards qu’on frôle dans les gares, les métros et les bistrots des alcoolos. Leurs yeux qui vous voient sans voir, leur odeur grasse et tiède qui font trembler vos narines, et cette façon qu’ils ont de vous dévoiler l’exacte nature de leur sandwich, bouche grande ouverte.
Silhouettes tassées auprès desquelles on se sent menacé. Théoriquement, savoir qu’il s’agit ici de misère et de pauvreté, ou simplement de goûts peu raffinés. Mais ne pas réussir à s’en contenter. Vouloir crier, et quitter, vite, ce qui est moite et crasseux.
Se demander comment faire pour se désarmer de ses caprices, lisser ses goûts, faire comme eux, ceux qui de la grossièreté n’ont pas besoin de s’échapper.
Ne pas y parvenir.
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