Moi sur la banquette et toi sur la chaise. Elle à ma droite, lui à ta gauche. On se regarde, on ne se parle pas. On leur parle, on ne les regarde pas. C’est à cause de leur fourchette enrobée de pâtes qu’ils dirigent honteusement vers leur bouche. On n’ose pas regarder, on ne voudrait pas les gêner davantage, parce que tes amis sont de ceux qui rougiraient de voir le spaghetti se défiler, la catastrophe, la pâte glisse le long du menton, une trainée de sauce tomate dégoulinante sur sa peau à elle si lisse, sur sa peau à lui légèrement mal rasé (c’est fait exprès). Panique. Soirée gâchée. Ce serait idiot. Il faut éviter. Ne les regardons pas. Attendons le café. Moins de risque.
Dessert. J’oubliai le dessert, avant le café. Moi je choisis la glace au chocolat. Tu me fais remarquer qu’on en a déjà mangé cet après-midi. Tu me proposes la salade de fruits.
Je me vexe.
Tu ris.
Elle intervient.
Elle dit que de toute façon je peux me le permettre. Quel conne. Evidemment que je peux me le permettre. Elle se décide. Elle dit que je lui ai "donné envie de se faire plaisiiiir". Donc elle choisi la glace. Mais moi je ne lui dis rien. Je ne lui lèche pas les bottes, moi. Cela dit, elle aussi peut se le permettre.
C’est bête, qu'est-ce qui me prend.
Elle est jolie et veut te plaire. Elle met sa main sous son menton et fait sembler de t'écouter.
Dessert. Ça y est, les regards fusent. Je me dis que la soirée n’est pas si mal que ça. J’ai même l’impression qu’on s’amuse. On a du boire un peu trop je pense. Ce soir tu me demanderas ce que j’en pense.
Je te dirai: « De quoi ? ».
Tu me diras: « De qui . De eux. »
- Moi: « Sympa »
- Toi: « C’est tout ? Il est drôle quand même... Et il te trouve très…. »
- Moi: « M’en fou »
- Toi: « Elle est charmante en tous cas ».
Tu me diras ça j’en suis sûre. Parce qu’au repas t’avais l’air de la trouver particulièrement pas mal comme tu dis. Jalousie. Non. Non non c'est pas ça, c'est juste que...
Alors je te dirai : « Oui il est drôle tu as raison. Un gars classe, vraiment, j'aime beaucoup. »
Tu t'arrêteras net de parler et ne diras plus rien pendant deux minutes. Brossage de dents. Tu rattraperas in extremis l'oreiller que je t'aurai balancé en riant.
Je reviens à moi. Je vous regarde. J'ai mal de t'aimer autant.
Les petites cuillères grattent les coupes de glace vides.
Et toi tu dis: « Café ? »
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