Ce moment où on s’avance vers vous et on vous demande « et quel est ton film préféré ». Et vous voilà oscillant entre dire quelque chose d’à peu près exact, et puis dire la vérité.
Dans l’à-peu-près exact, il y a tous les films et les livres plus ou moins récents, ceux que vous avez lus en étant grands. Et puis, à côté de ceux là, il y a, oui la vérité. L’oeuvre, souvent unique, qui a dessiné vos passions et vos illusions, lue et vue sans modération lorsque vous étiez enfant ou jeune adolescent. Et celle là, parfois, vous hésitez à la divulguer, tant elle vous proche, intime, et pourrait vous montrer telle que vous êtes réellement, telle que vous étiez enfant.
« C’est fou ce que tout est légèreté quand on a l’honneur d’aimer… quelle que soit l’époque tragique. Dans un océan de merde, je vis les plus belles années de ma vie. L’amour gagne contre tout. »
Voilà. Il y a 13 heures seulement, par écran interposé, l’écrivain a écrit cela sur son réseau, l’écrivain, j’ai nommé Alexandre Jardin.
Réalisateur, scénariste, producteur, issus d’études politiques où ça parle finances et économie, Alexandre Jardin fait partie des êtres qui sont pleins. Tout plein plein plein, et suffisamment courageux pour déborder et nous rassurer sur l’universalité de nos émotions.
Aujourd’hui, à 35 ans, je le dit fièrement, mon œuvre de tous les temps, et bien...c’est Fanfan.
L’oeuvre de moi petite riant et pleurant en voyant là l’amour et sa démesure à ma portée. Alors évidemment, quand on façonne son esprit sur cette vision-là, on n’en ressort pas. On aura beau se soigner en tentant d’écouter la raison, et bien non, il y aura toujours en soi ce petit quelque chose de Fanfan dont on ne guérit pas. L’importance de la légèreté, et la si fragile sincérité, y compris quand on devient plus vieux et ridé.
Dans ce livre, et puis ce film, Alexandre s’éprend et se ravise et se blesse au jeu. Au jeu des amoureux on ne peut plus sérieux. Cette histoire relatant la rencontre de deux êtres faits pour se rencontrer, Alexandre Jardin l’a transposée, l’a écrite et l'a réalisée.
Mais à côté, ça on le sait, tous il me semble, il y a la complexité, et l’âpreté. Nos vies alourdies par tout ce qu’il nous faut gérer et digérer.
Toujours est-il que ce soir, en lisant ce post là j’ai souri, rassurée. Malgré les joies écrasées, l’amour oui est bien en ce monde ce qui nous incite à y rester. Mais c’est pas gagné, je le sais. Et lui aussi, bien entendu, l’écrivain. Entre Fanfan et aujourd’hui, il y eu bien d’autres livres et douleurs. Je me rappelle, c’était je ne sais plus très bien quand, peut-être il y a 10 ans, d’une interview de lui où il disait que ce genre de grand épanchement ce n’était pas la vie. Je le sentais à ce moment plus rangé et éprouvé. Il venait d’écrire je pense sur sa famille, sur le secret qui détruit. Et pourtant le revoilà aujourd’hui, affirmant que « les contes disent la vérité », quand il s’agit d’aimer. Qu’il existe, il aime à le penser, sur cette terre une personne qui nous est destinée.
Et je terminerai par ces mots qu’il a prononcé récemment lors d’une conférence partagée par sa maison d’édition, Albin Michel, sur Youtube. Il y parle du livre à propos de son frère Allez-y. Il y a du vrai, dans cet extrait, autre chose que de l’hypocrisie.
Parlant d’Emmanuel, son frère qui s’est mis une balle au fond de la gorge il y a trente ans, il dit en tremblant :
« Dans une époque où les Emmanuel n’existent plus, même si c’est quelqu’un qui m’a foutu une trouille épouvantable, même si c’est quelqu’un qui a été extrêmement dangereux et toxique, il a
osé
être ».
A méditer. A l’heure où l’on meurt de notre conformité.
Comments