Je me rappelle de
quand je servais des cafés,
quand j'étais à l'accueil et au vestiaire aussi,
et ceci pendant quelques années,
à Paris, à Bruxelles, dans les théâtres, les restaurants et même
des
entreprises.
J'ai servi longtemps,
et,
à mieux y penser,
on y apprend
on y apprend les gens.
On se dit cela par après,
quand
notre carrière
de
serveuse
se met à l'arrêt.
Directement,
sur la façon que celle-ci ou celui-là
avait de s'adresser à moi,
pour le ou la servir,
avec ou sans sourire,
je pouvais sentir et ressentir
qui
elle ou il
était.
Pas tout, pas tout, biensûr,
mais là sous leur armure,
à la manière de regarder,
à la manière de vous parler,
vous y déceliez
tant.
Et généralement,
de mon statut
je comprenais intrinsèquement
les rapports humains,
les expérimentant sur le terrain.
Je savais, à leur façon de dire "un café!" ou
"pourrais-tu, pourriez-vous, me faire un café?",
ou "nous voulons bien un café, merci",
je savais à leur manière de réceptionner celui-ci,
avec sympathie,
avec ennui,
avec reconnaissance,
je savais
au fond
à qui
j'avais affaire.
J'ai vu beaucoup.
Et je me rappelle de ceux et celles
que j'ai aimé
à leur façon de me demander
un
café.
L'élégance des gens,
lorsqu'ils s'adressent à moins visible qu'eux,
la beauté dans les yeux,
je les ai aimés ceux-là.
Et je me rappelle aussi de ceux
qui préféraient
me voir comme
comme
comme qui
comme quoi
au fond
je ne sais pas,
ce qu'ils ont pensé de moi.
Je me souviens,
de certains,
de certaines,
qui m'ont dit "pour qui
pour qui
tu te prends!".
Dans des contextes différents,
tantôt derrière un bar, tantôt derrière
un portique de vestiaire,
ou simplement,
assise en patientant.
Ils ont dit ça,
parce que
je ne me pliais pas à leur loi,
lorsqu'elle m'était adressée
d'une manière
qui voulait me faire taire.
Et l'évènement se répétant
j'ai compris
mieux
qui
j'étais.
Et l'effet que ça leur fait.
C'est venu tout doucement,
cette compréhension-là,
celle qui m'a fait souffrir des fois.
"Ne vous avisez pas
de dire
non, je ne veux pas."
Et moi, et moi, ça,
ah,
je ne peux pas.
Moi aussi, je dis non,
des fois
quand elle est injuste leur voix.
Pour qui tu te prends?
Voilà ce qu'encore aujourd'hui de moi j'entends.
Et moi, au dedans,
je leur retourne la question:
"Qui pensez-vous que nous étions
pour ne jamais oser dire
non?"
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